Item 10

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C’est alors que commencèrent les coups entre nous, la défense de chaque être pour son existence. Naturellement, les plus forts l’emportaient et assis dans un coin, d’autres étaient devant eux, les préservant des coups de ceux qui étaient debout. Pendant deux jours les choses se passèrent pour ainsi dire pas trop mal. La faim était supportable ainsi que la fatigue. Mais le troisième jour, ce deuxième ennemi, la fatigue, commença à se faire sentir et les faibles qui étaient debout se révoltèrent et attaquèrent les forts pour les obliger à céder la place. Coups de poings, de pieds, pleuvaient de toutes parts. Malheur à celui qui perdait l’équilibre. Piétiné, étouffé, lynché, il ne tardait pas à expirer, envié par beaucoup de nous qui ne voulaient plus vivre. Pour ajouter encore du mal à notre souffrance, lorsque nous arrivâmes en Tchécoslovaquie, les SS lancèrent au hasard dans nos wagons deux ou trois pains. Vous devinez je crois le résultat que cela fit. Des morts en plus, c’est tout.
La soif nous minait aussi et à chaque arrêt nous tentions d’avoir un peu d’eau ou une gamelle de neige que nous nous passions.

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Le quatrième jour pour faire plus de place, sur les 60 morts que nous avions on décida de les jeter par-dessus le wagon. Mal nous en pris, on arrêta le train et il fallut aller les chercher et les reprendre avec nous.
Le cinquième jour la neige se mit à tomber et la fatigue devint insupportable. Je me rappelle que tous, nous nous écroulâmes les uns sur les autres sans cris et sans coups. Ceux qui étaient en dessous et qui n’avaient pas la force de se relever périssaient étouffés tandis que les autres que la neige tombante couvrait rêvaient je ne sais à quels espoirs ou à quelle délivrance.
Le sixième jour, la faim, nous ne la sentions plus et nous léchant la neige les uns sur les autres, incohérents, nous attendions. La sixième nuit vint, et je me rappelle que couché sur cinq morts je dormis de toutes forces ne sentant plus le plancher de bois du wagon mais un doux matelas. Enfin le septième jour nous arrivâmes.

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