2110-5-9-27

21, rue Luben Karaveloff Sofia, Bulgarie

Le 25 octobre 1931

Monsieur,

Je viens de tourner la dernière page de "The Blanket of the Dark". J'ai tournè cette page avec ce sentiment de profonde, presque inexprimable admiration que suscite invariablement en moi tout ce que vous avez écrit. Et c'est cette admiration qui me fait vous adresser ces lignes, malgré que je sache parfaitment combien il est vain d'écrire à de grands écrivains, combien de telles lettres sonnent d'une note de fausse sentimentalité - aussi sincères qu'elles soient - lettres que vous devez recevoir par dizaine tous les

jours et qui doivent, je m'imagine, vous ennuyer bien, si toutefois vous les lisez journis.

Je ne vous écris pas pour vous répéter que "The Blanket of the Dark" est une de plus remarquables oeuvres que vous avez jamais écrite; je ne vous écris pas pour vous conter les pensées et impressions que cet inoubliable livre a suscité en moi - cela ferait ma lettre trop longue et vous ennuyerait sûrement; je ne vous écris non plus pour exprimer tout mon enthousiasme - nous, jeunes slaves d'Orient sommes tellement sentimentales - combien d'ailleurs le mot enthousiasme semblerait vide s'il devait exprimer ce frémissement, cette emotion avec lesquels j'ai lu "The Blanket of the Dark". Je vous écris simplement pour vous dire que dans un pays appauvrie par les injustices - conséquences de la guerre - qui est arrêté dans sa

possibilité de suivre les lointaines manifestations de la vie intelectuelle de l' Occident - et plus encore de l'Angleterre - dans ce pays, où votre nom est inconnu du grands public, vous avez une fervente admiratrice qui vous aime infiniment, pour laquelle tout ce que vous écrivez est très cher. Et si, même le temps d'une seconde, vous sentez que cela ne vous est pas indifférent, je ne trouverai pas que je vous ai écrit ces lignes en vain.

Milla Tcholakova