Livre de Philippe de Navarre

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ASSISES DE LA HAUTE COUR.

CHAPITRE XIII.

Ici orr6s coument Tom doit apeler de murtre champion.

A 1'apel de murtre se doit mout garder Tapelor : \k est la soutillance de plait, car 1'assise est de murtre proprement. Et celui qui est tu6 en place ou devant gent ou k mesl^e, nest pas murtri 1 : car murtre si est choze faite k repos ou k cel6 a . Et por ce que Tom ne peut aver garens dome murtri, fu faite 1'assise. Et le cors murtri porte partie de la garentie. Et le champion preuve et mostre de son cors de celui que il apele l'a murtri. Et se celui nest murtri, cil qui apelle done faus gages. Et se il veaut dire que celui qu'il a apell6 dona le cop dont celui qui la gist re^ut mort, se 1'apelte se set deffendre, il dira tant soulement: « Non 1 place Dieu; » et que il est prest que il s'en defende tout ausi come la court esgardera. Se 1'apelor a dit murtre, l'apel6 done son guage a droit. Et se il dit que il li dona le cop de quei il ressut mort, et il le n6e et se euflre a deffendre tout ensi come la court esgardera; se la court est bien entendant, elle esgardera que il n'i a point de bataille, se 1'apelor ne Toffre k prover par garens b . Et se il euffre k prover par garens que celui li dona le cop dont il re^ut mort, il en peut biep lever lequel qu'il vodra ; et de ce y peut bien aver bataille * contre le garent. Contre garent a il batailles de toutes chozes qui montent plus d'un marc d'argent. Et quant Tom se claime de force, et celui de qui Tom se claime la n£e, et 1'apelor 1'offre k prover par garens, le deffendor peut bien lever Tun des garens; por ce que se il fust ataint , il seroit 3 en la merci dou seignor : et ce est trop plus grant choze que d'un marc 4 d'argent c . Et en nostre cort ne peut sergent ne borgois ne nul autre home des chevalier en aval apeler chevalier, se il s'en seit deffendre; mais bien est veir que de murtre, se I'apelor est sergent, et il se viaut faire che valier et conbatre soi a la lei de bataille que chevaliers se conbatent por murtre, faire le peut. Et chevalier peut apeler sergent, se il se viaut conbatre come ser gent, si com il est dit devant, en chapistle de garens d .

1 b. Murtre. b. — 2 Tout outre bataille. b. — 5 Son cors et son avoir seroit. b. — 4 Que riest un marc dar gent.B. La suite manque dans b.

* Cette definition differe de celle qui est donn£e par Ibelin, c. lxxxv, p. i33.

b L'histoire presen te cependan t des exemples de duels, dans lesquels les plaignants ne prod ui sire nt pas de t£ rooins. Nous cilerons un de ces exemples, qui est fourni par F. Bustron.

« In dilto tempo (i3i3) , fu uccisa una dama, in casa « sua, ch' era moglie di Giacomo d'Artude, la madre della t quale si quereld contra suo genere , Giacomo preditto , t dicendo che lui 1' aveva morta , et denegando il genero , «la madre domando un campione per provarlo. II re t ch* era tenuto di vardar le vidue et orfani , fece cava « lier uno di suoi vassali ditto Giovannin Pansan , et lo t fece entrar nel steccalo a conbatter con Giacomo pre-

« ditto In questi combattimenti s' hanno veduto gran-

« dissimi miracoli di giustitia a favor di quell i ch' avevano • la raggione dal canto loro, tra li quali e stato anchora

• questo ; che Giocomo uscito fuora delli termini del

• campo , anchor che lui haveva ferito Giovannin di spada « nella spalla, non dimeno fo terminato da li giudici di

• corte, ch'era vinto, et menandolo alle forche confesso

• che lui non haveva uccisa la moglie, ma fatto uccideiia tda un' allro, con intention di giurar il vero. Se stato

• fosse di bisogno , ecco ch' Iddio haveva mandata la verita « in luce , et la malitia del mal operate non valse , peroche « fu appeso nelle forche. » (Bustron , Commentarii, p. 4a 5.)

6 Celte induction est peu nalurelle et d'ailleurs inu tile. S'il y avait bataille , ce n'etait pas parce que tomber en la merci da seigneur est plas grande chose qu'an marc d'argent; car aucun rapport n'existe entre ces deux choses , et la fixation du marc d'argent £tait £tablie seu lement pour les affaires civiles, mais bien parce que la loi avait autoris6 le duel en matiere de meurtre.

4 Livre d' Ibelin, chapitres lxxxii-xcv, p. i3o-i55.

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LIVRE DE PHILIPPE DE NAVARRE.

GHAPITRE XIV 1 .

Ariere apel de traison.

L'autre maniere de bataille qui peut estre par us ou par costume ou par assise, si est de traizon aparant encontre son seignor. En ceste y a moult soutil plait; et pluizours feis est avenu que Tom si atache moult legierement, por ce que il semble grant honte se Ton ne sen deffent largement et franchement. Quant hom est apete de traizon k son seignor, mais que il n a talent de combatre , il peut desmentir Tapellor mot a mot et neier et defendre tout ensi come la cort esgardera, tout ce que celuici aura mis sus, et dire que il est prest de noier et de deffendre 2 que neier et deffendre le deie. Et adonc se Tapelor ne motist cou ment la traizon est apparant, il n i aura point de bataille. Et pluisors dient que traison nest apparant se celui qui la fait ne le conoist, ou se elle nest prov^e par garens ou par bataille* : et des garens peut il Fun lever; et la bataille ne peut estre, s'il ne euffre son cors. Et aucune gent dient que la traison est bien appa rant quant le seignor a est6 trahi aparaument d'aucune choze, ou de fortrese qu'il a pardue, ou de conseill qui ait est£ descouvert; ou de son cors qui a est6 encombr^, alant et venant en ses besoingnes; ou assailli nuitancr6 5 ; ou se il a receu aucune maniere de damage, en quei il semble apparammed 4 quil ait est£ trahi. Et de ce ne oi je onques faire esgart ne que il en fust fait b ; car le plus de ceaus qui sont apel£ dient que il deffendront volontiers de lor cors contre celui de i'apelor, et le seignor receit volontiers les gages, et ensi vient avantla bataille legierement. Un autre maniere de bataille y a, en laquele na us ne assise; mais de volente des deus parties et par Totroi dou seignor, a plusors feis est6 tele bataille ; et puet bien estre , quant aucuns a est6 naffr6 ou assailli ou mal-

1 Ce chapitre est reuni au pr£c£dent, sans rubrique particuliere, dans le manuscrit b. — 2 b. — 1 A Vanuitant. b. — 4 b.

* Ibelin n'essaye pas de donner une definition g6n& rale du crime de Irahison et se contente d'£num£rer les actes qui le plus souvent constituaient ce crime. (C. xcvn, p. i58.) Philippe de Navarre regarde comme un caraclere distinctif de la trahison apparente d'etre reconnue par le coupable ou prouv^e par le moyen de gar ants ou par bataille. Cette definition pr^ente une veritable petition de principe, car elle suppose resolu ce qui est mis en question. Comment, en effet, pour rait-on poursuivre quelqu'un comme coupable du crime de trahison apparente , si cette qualification ne doit &tre donn£e au fait dont on V accuse, qu'apres son aveu ou qu'apres un jugement ?

b Parce que s'il y avait esgard , cet esgard ne pour rait 6tre qu une 'condamnation pure et simple contre le coupable. (Ibelin, c. xcvn, p. 169.) L/hisloirea con serve le souvenir d'une affaire de trahison, juge*e par la Haute Cour de Chypre, sur la poursuiie de Na varre lui-meme. Voici les faits. En ia3i, le roi Henri I et Jean dlbelin assiegeaienl le chateau de Cannes, qui

etait defendu par les Imperiaux sous les ordres de Ce nardo. Le commandant de la place parvint k lier des intelligences avec un chevalier de Tarmee royale, nomme Martin Rosel , que le sire dlbelin affection nait particulierement. II fut convenu que Rosel pre viendrait le commandant du jour qu'il serait de parde, afin que celui-ci put attaquer les assi^geants sans danger. Rosel se trouvait a Nicosie, quand un e miss aire qui lui apportait une lettre de Cenardo fut arr^te. Le roi, sans approfondir cette affaire, envoya sur-le-champ Philippe de Navarre a Nicosie pour qu'il se saisit de Rosel et de ses complices. Cette mission fut remplie avec mystere et succes, et tous les conjures furent arr£tes, quoiqu'ils appartinssent aux plus puissantes families du pays. «Condotti nel campo, dit Loredano, ■ 1. II, p. 10 1, et conventi di reita con la confessione «del delitto, rimasero d'all* Alta Corte sentential i aH* « ultimo supplicio. > Les mots condotti nel campo montrent que le duel eut lieu, ou du moins que les accuses furent mis en demeure de se deTendre par cette voie.

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488 ASSISES DE LA HAUTE COUR.

men6, ou damage cTaucune grant choze, il peut bien venir devant le seignor et clamer soi de celui cui il le met sus, et dire que il li a ce fait fausement et des loiaument, en traizon, sans deffiance et nuitancr^, se ce fu de nuit 1 . Et seil veaut ce neier et deffendre, il est prest de moustrer li de son cors contre le sien, tout ensi com la court esgardera. Et quant se Tautre veaut respondre et desmentir le root k mot, faire le peut, et dire que il n6e et deffent tout ce que il li a mis sus, et que il est prest et appareillte * de soi deffendre de son cors contre le sien tout ensi come la court esgardera. Et se 5 le seignor veaut retenir 4 les gages, faire le peut } et peut coumander a la cort que il esgardent le si et le quant, c'est assaver la madiere de la bataille et le jor. Et 5 la cort le 6 doit esgarder. S'il est che valier, il se doit conbatre k cheval , arm6 de toutes armes come chevalier. Et le jor si est ou chief de quarante jors. Se celui n a talent de conbatre que Tautre apele, il peut desmentir Tapelor mot k mot et dire que il n6e et deffent tout ce que il li a mis sus, et est prest de neier et deffendre tout ensi come la cort esgar dera que neier et deffendre le doie. En ceste maniere n'a il point de bataille, si come je entens, puisque il ne offre son cors : et pludors feis ai veu que la cort le dizoit que point ne y avoit. Et en la maniere meismes qui est deviz^e la oil chas cun offre son cors, n'en a il point, se le seignor veaut; carle seignor peut dire: « Je ai oi et entendu que chascun de vos offre son cors contre Tautre a bataille; « ne nul de vous ni a vo6 ne nom6 assise ne usage ne esgart de court, que tant « soulement k la maniere de la bataille et au jor. Et je ne veull que bataille soit « faite en ma seignorie, se assise ou usage ou esgart de cort ne le done. » La cort dira tout de dreit que tel maniere de bataille ne doit estre, se le seignor ne le veaut*.

1 Sam deffiance et de nuit. b. — 2 b. — 5 b. Et quant se. a. — 4 Recevoir. b. — 5 b. — 6 b.

' A ces deux moyens d'empecher ie duel, il faut ajouter la paix , dont Ibelin parie peu et que Philippe de Navarre n'indique meme pas. Nous ne pouvons mieux supplier au silence de ces tarivains qu'en placant ici la traduction d*un passage de 1'Histoire des rois de la maison de Lusignan, par Loredano, LI, p. 4o.

Jean d'Ibelin , seigneur de Baruth , et bail de Chypre pendant la minority du roi Henri 1, celebra par des f(§tes magnifiques, en 1227, 1'admission de ses deux fils, Balian et Baudouin, au grade de chevaliers. «Pen « dant que quetyuet chevaliers jouaient a la civette , « un chevalier toscan » cousin du sire d'Ibelin , frappa « avec la main , selon l'uaage de ce jeu , Camerino Barlag , « qui prit cet acte a injure , quoique le chevalier toscau ■ affirm&t qu il s'elait conforme a la coutume du jeu. « Camerino se repandit en paroles blessantes, que le

• chevalier releva avec une vivacite egale a son cou-

• rage et a la securite que lui donnait le lieu ou il se « trouvait. Camerino quitta la fete ; mais le lendemain ,

• il alia avec quatre de ses amis, Amaury de Bessan, « de Rossi, Guillaume Rivet et Hugues Giblet, aitendre

• le chevalier, qui etait imprudemment sorti sans armes « et sans suite ; ils 1'aMaillirent, et apres lui avoir fait

• plusieurs blessures, le laisserent pour mort. II ne

• mourut pas cependant, mais il resta estropie, et plu*

• sieurs jours s'ecoulerent avant que les inedecins pussent -affirmer qu'il vivrait. Philippe d'Ibelin fut indigUe « d'une action semblable, parce qu'ami de la justice, il « ne pouvait tolerer les assassinats et qu'il Be regardait « com me attaque personnel! e me nt par l'offense faile a un

« parent aussi proche : ces sentiments etaient entretenus « chez lui par les amis et par les parents de la victime, oqui ne cessaient de demander la punition des cou-

• pables. Ceux-ci se vantaient de leur action , comme y

• ayant ete provoques par Tinjure du chevalier toscan ,

• et faisaient tons leurs efforts pour retarder la sen-

• tence. Cependant ils se retirerent a Tripoli , afin de ne

• pas exciter da vantage, par leur presence, let rigueurs

• de la justice. Le sire de Baruth les pr&enta au jo-

• gement et sollicita si vivement son firere, qu'il obtiot « pour eux une entiere absolution. Le chevalier toscan « r&olu de ne pas consentir a la paix, et sans force pour « se venger, s'exila volontairement de Chypre. »

Peu de temps apres , un fait analogue ramena devant la Haute Cour un del meurtriers du Toscan.

Camerino Baiias, apres avoir supplant^ un instant Philippe d'Ibelin dans le gouverttement du royaume, fut contraint de lui restituer le pouvoir et de quitter Tile.

• Les amis de Camerino eprouverent un vif deplaisir

• de son depart , et Gavano de' Rossi, baron trta-puis-

• sant, donna, pendant la nuit, plusieurs coups d'epta « a Guillaume de la Tour , chevalier chypriote , qui « s'etait laisse aller a dire que, depuis Tabsence de Ca « merino, Chypre jouissait de la felicity. Gu^ri de ses « blessures , Guillaume se plaignit a la cour de Ga-

• vano, le qualifiant de trait re et offrant de le lui prou-

• ver. Gavano accepta la bataille ; et ils donnerent des

• gages con form Anient a 1* usage du temps* Mais, con «duits au champ, et beaucoup de person nes s'etant

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LIVRE DE PHILIPPE DE NAVARRE.

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CHAPITRE XV.

Ici orr£s de plais qui sont entre Je seignor et houme l .

Je voas ai dit que moult a grant soutilance en plait de murtre , et vous en ai esclarzi partie \k ou je parlai coraent on peut entrer en ley de bataille loiaument ou fausement au doner des gages ; ore vous esclarzirais ce que je en ai entendu et que k moi semble que peut apeler et qui non, parent ou parente, prochain ou Ion tain. Et la feme de murtre 2 peut apeler, se elle est veve; et se elle a mari, elle ne peut apeler, se son mari n'est en la presence et dou seignor et de la court et Totroie: et se autrement fust, son mari Ten porroit oster et delivrer. Nus qui n'apartient au murtri, s'il n'est 3 de ceste pals, ne peut apeler de murtre, se celui que Tom apele & en seit deffendre ; meis toutesvoies covient il que il n6e et deffende le murtre, et die que il est pr&s que il se deffende tout ensi come la court esgardera, et que k celui que rien napartient au murtri, ne se veaut il prendre, se la court ne Tesgarde. Et bien est aparant que ce est tralzon 4 ; car, se ce ne fust, por nient 5 apeleroit home ou feme qui ont pass6 aage : car le champion que il metent porroit apeler por eaus meismes por lor deniers 6 , et les femes et cil qui ont pass6 aage seroient delivr^ de la justice que Ton fait d'eaus

1 Ce chapitre, qui forme les chapitres xxi et xxu de b, a dans ce manuscrit la rubrique suivante : De ceaas qui p event apeler de bataille et de ceaus qui ne pevent apeler. — 2 Dou murtri. b. — 5 Se il est. b. — 4 Raison. b. — 5 Noient. b. — 6 b. Ds. a.

t interposees , ils firent la paix dans la lice meme et « la con firm erent par un mariage. Gavano conserva ce t pendant du ressentiment d'avoir e'te' provoqu^ au com « bat par un inferieur. »

Le parti oppos£ aux Ibelins , ranime^ par 1'espoir de voir bient6t l'empereur Frederic arriver dans Tile , re prit courage, et Camerino Barlas reparut a Nicosie. t D accusa devant la Haute Cour Ansiau de Bries , cheva tlier de grande naissance, qui prec£demment 1'avait t charge de mille injures, l'appelant traitre, d&oyal, «et offirant de le lui prouver par l'£p6e.

t Camerino esperait que Tempereur serait arriv£ avant t qua ran te jours , delai qui, a cette£poque, elait accord^

• pour terminer les querelles. L'empereur n'arrivant

• pas , Camerino lut forc6 d'entrer en lice pour deTendre « sa cause , car Ansiau ne voulait entendre a aucun ac « commodement , quelque avantageux qu'il put 6tre.

• Tous ses amis faisaient les plus grands efforts pour

• qu'il y acquiescat, dou tan t beaucoup de Tissue de

• rentreprise , non-seulement parce qu'il 6tait jeune et

• sans Inexperience des armes , mais parce que Came-

• rino etait maitre en fait de batailles, et qu'il £tait

■ toujours sorti victorieux des duels ou il avail com-

■ battu. Le sire de Baruth, cousin paternel d' Ansiau,

• 1'instruisit de beaucoup de choses, et lui recommanda « particulierement de porter la main droite a son casque ,

■ s'il se sentait bless^ ou assez fatigue* pour qu'il dut crain «dre de succomber; qu averti par ce signal, il mettrait

• fin a la bataille, sans que son honneur eut rien a

« en souffrir. Les champions ayant franchi les barrieres,

• le combat commenca, et apres plusieurs coups portes

• de part et d'autre, Camerino tomba de cheval et ne

• put y remonter, mais il se retira contre la barriere, « et placant son cheval devant lui , il s'en fit un rem-

• part. Ansiau touch ait a la victoire; par malbeur, il

• voulut replacer sa visiere, et, sans se rappeler ce qui « avait 6i& convenu , il porta la main a son casque et fit

• croire au sire de Baruth et aux assistants qu'il £tait « blesse* ou accabl^ de fatigue : aussit6t ils entrerent

• dans les barrieres et reconcilierent de vive force les

• champions. » (P. 46.)

Ces curieux details nous apprennent que les lois sur le duel, telles qu'elles sont expliquees par Philippe de Navarre et par Ibelin, ne recevaient pas, dans toutes leurs dispositions, une execution rigoureuse, et que le seigneur et les hommes de la cour pouvaient accorder, refuser ou interrompre le duel, selon qu'ils le jugeaient con ven able. Ajoutons enfin que, dans les temps de guerre ou de troubles , le crime de trahison e* lait puni immediatement, et sans qu on recourut aux regies po shes dans ce chapitre. Lorsque le roi Henri 1 revint en Chypre, pour en chasser les Allemands qui s'en ^taient rendus maitres pendant son absence, Philippe de Na varre, charge de faire lever le siege de Dieu-d' Amour, trouva parmi les prisonniers qu'il fit dans la Casa Bles sia, trois chevaliers qui avaient trahi et abandonn^ le roi a Giblet ; il les fit sur -le- champ el publiquement mettrea mort. (Loredano, 1. II, p. g5.)

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490 ASSISES DE LA HAUTE COUR.

et des champions, quant le champion estvencu. Et autre peril y a moult grant, se chascun peut apcler : car se un home grant et fort et delivre , ou un champion qui seit descremie* peut apeler de chascun murtre que Ton fait en la vile ? aucun grant riche home, feble de cors et non puissant, ausi 1 le porroit raembre a son gr6, et chascun porroit apeler son ahemi plus feible de lui. Mais le seignor, qui a jure de tenir et«maintenir, de faire justice, ne doit mie souffrir choze que ne seit juste 2 ; et especiaument des gens de cest pals que le seignor conoist par soi ou par autrui 5 . Mais ensi n est il pas des pelerins et des gens d'outremer qui nont point de linage en ce pais de Chypre et de Surie k : atitun d'eatis est murtri, chascun de ciaus qui vindrent au passage ou il vint, et chasctin de ceaus qui sont dou pais ou de la province 5 dont il estoit, et chascun de ses cotripai gnons qui fu en aucun establissement de compaignie o lui, pfeut apeler 6 , Se le murtre est aparant b . Toutesvoies la consience dou seignor doit estre cler6 et nete et pure 7 , por son serement que il a fait de faire justice; et se il enteflt que ce soit barat, il ne doit soffrir 1'apel, se Tapelor ou le murtri ne soient homes lieges: car si le fust, il couvendroit que il fornist l 1 assise par les garens 8 d6 la court; et se celui que Ton ajtele est 9 son home liege, et se le seignor peut estr*e certefte, en maniere que sa consience ne Ten repreignfc 10 , que celui ait fait le murtre c . Souvent ai veu bons seignors et sages qui en faizoient justize sans esgart et sans assise, pour ce que il avoient jur6 de faire en bon fei justize d .

CHAPITRE XVI.

D autre apel de murtre mout grant 11 .

Autre grant soutilance a en plait de murtre. Se aucuns apelast pluizours homes ensemble (Tun murtre, il s'en iroient tous quites: que cTun murtre ne peut om apeler que un murtrier*. Et se un estrange ou parent lontain apelast un home de murtre aparant, et il respondist maintenant que il se deffendroit selonc l'as sise, et les gages fussent don6 et receu, et il avenist apr&s que pais en lust faite

1 Enssi. b. — 2 Ne le doit mie soufrir guar ce nest mie justise. b. — 5 Ici commence, dans le manusCrit b, le chapitre xxn sous cette rubrique : De Vapeau de la bataille des gent qui sont tfoutremen — 4 De Chypre et de Surie n'est pas dans to. 5 Qui est doa pays ou il fa nez, ou de la province. 6. 6 Tex gens peveni apeler. b. — 7 b. — 8 Par Vesgart. b. — 9 N'est. b. — 10 b. Repnge. a. — 11 B. Ce chapitre est le xxiir 4 dans le m* nuscrit b.

* Cest-a-dire tin champion de profession.

b Livre d'Ibelin, chapitre Lxxxti, p. i3o.

e Parce que les hommes liges avaient mis, pour ainsi dire , lettr honneur en commun , et que celui qui commettait un meTait , devait en re"pondre a quiconque de ses pairs voulait 1'accuser.

d L'auteur nous donne ici I'explication de ces re pressions promples et se\eres que les seigneurs infli geaient, sans ttntervention des cours, a ceux de leurs hommes qui avaient commis uri crime Si, dads tous les cas , la justice Avait du , gour atteindre les coupables , se plier aux regies d'une procedure que la ruse dc?s gens de loi avait rendiic obscure et compliquee , dh

concoit que k punitioh des crimes serait devenue en quelque aorte illusoire. Les seigneurs aVaient cherche* et ils avaient trouve , dans la tefteur de hut sermgnt , Fautorisation necessaire pour Supplier a une legislation devenue inefficace.

* Parce que Fappeiant aurdlt 6t& force* de combattre cOntre chacun des meurtriers , si le meurtre aVait e^ commis par plusiedrs persOnries, et que necessaire nient il aUrait nni par succomber. PI u tot que de placer le plaigndtit dans une position aussi peVilleuse, Id le gislated pfeTerait laisser tous les complices du crime jouir de l'impunite\ Voila ou cOnduisait la theorie du duel.

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