Journal, 1945

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Left Page J’ai été arrêté le 28 décembre 1943 à Aix les Bains, dénoncé comme résistant puis reconnu israélite par la Gestapo, ainsi que mes parents. Deux jours après mon arrestation j’étais transféré au camp de Drancy où je restais 3 semaines avant d’être déporté vers l’inconnu.

II Mon arrivée en Haute Silésie Après trois jours d’un voyage en wagons à bestiaux dans des conditions difficiles, le train s’arrêta dans la nuit. Vers deux heures les wagons furent ouverts et le cauchemar commença. Autour de la voie ferrée, le sol était presque comme un marécage. Nous enfoncions dans une boue épaisse en attendant notre sort. Tout autour du train des SS montaient la garde, des projecteurs éclairaient le lieu sinistre. Sous prétexte de nous compter, on nous ordonna de nous mettre les hommes ensembles et les femmes ensemble après avoir jeté tous nos colis en tas. Et je vis une mère se faire gifler car elle refusait de jeter un petit sac où était un thermos pour son enfant qu’elle avait sur les bras. Puis ce fut le triage des hommes, un à un nous passions devant

Right Page un officier qui nous mettait à droite ou à gauche selon notre âge et notre état physique. 280 hommes valides furent retirés ainsi qu’une trentaine de femmes, tout le reste monta en camion et furent menés, je le sus plus tard, dans la chambre à gaz de Birkenau.

III Premiers contacts avec le camp de Monowitz-Buna Il était à peu près quatre heures quand les camions qui avaient transporté les femmes et les enfants revinrent nous chercher. Après une heure de trajet, le camp de Monowitz-Buna apparut à nos yeux, entouré de sa ceinture de fils barbelés électriques et de ses miradors. La porte fut ouverte et les camions entrèrent et s’arrêtèrent sur une grande place où nous descendîmes. C’est alors que commencèrent à pleuvoir les premiers coups. On nous mena devant une baraque ou nous dûmes nous déshabiller. Un SS ordonna à un polonais d’aller chercher un prisonnier et lui administrer une bonne volée. C’était effroyable. Coups de pieds dans les parties, coups de poings, jusqu’à ce que le malheureux fut en sang. Puis nous passâmes à la désinfection au pétrole, puis à la douche et l’on donna à chacun une veste et un pantalon rayé, une chemise, un caleçon

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Item 17

Left Page deux chiffons pour les pieds et une paire de sabots. Lorsque cette opération fut terminée, il faisait jour et menés dans un block nous pûmes voir comment était composé le camp et nous pûmes faire connaissance avec les prisonniers. Le camp s’étendait sur une superficie d’environ 5 hectares et comprenait 38 blocks pour les détenus, 1 block de bureaux, 6 blocks d’infirmerie, 1 block de cordonniers et tailleurs et 1 block de réserve. À cela s’ajoutaient une cuisine, 6 waschraums (NdT : salle commune pour se laver) avec douche et des WC. Le camp était entouré de fils barbelés traversés par le courant électrique pendant la nuit et les alertes. Des miradors dominaient le camp au milieu duquel était une grande place vague « la place d’appel ». À la porte était un kiosque où jouait un orchestre lorsque nous partions et revenions du travail. Arrivés au block, nous passâmes au tatouage et aux formalités. Sur le bras gauche on nous marque un N° de matricule de sorte que nous soyons toujours reconnaissables à la distribution de la nourriture et en cas de décès.

Right Page Une journée au camp Un block d’habitation était divisé en deux parties : le tagesraum (NdT : pièce de jour) environ 1/3 du block où dormait le chef de block et où mangeaient ses adjoints, les kapos, le dortoir où devaient dormir entre 150 à 200 détenus sur des lits de trois étages, avec une paillasse et deux couvertures. Tous les lits étaient très serrés et nous étions à deux sur une largeur de 75 cm environ. Deux allées étroites traversaient le bloc qui était en bois. Toute notre fortune était ce que nos avions sur nous car nous ne possédions ni armoire ni table ni tabourets et souvent ni cuillères. Le matin nous nous levions à 4h30. Nous nous habillions et en moins d’une 1/2 heure il ne devait plus y avoir personne dans le dortoir. Il fallait faire son lit impeccablement sinon le soir nous recevions dix coups de cravache et devions le refaire jusqu’à ce que la satisfaction du chef de block soit complète. 10 minutes plus tard la distribution du pain commençait. Après avoir essayé de nous passer la figure à l’eau et fait nos besoins, nous passions nos sabots à l’huile, brossions nos vêtements et si ces obligations n’étaient pas remplies nous ne recevions pas de pain jusqu’à ce que nous soyons impeccablement propres. Puis nous sortions

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Left Page dehors pour manger dans les WC ou le waschraum et attendions l’appel sinistre de la cloche pour le rassemblement. Réunis par block sur la place d’appel un SS nous comptait. Lorsqu’il passait il fallait être au garde-à-vous et la coiffure à la main. Après une longue heure sous l’ordre du Lagerältester (NdT : détenu « doyen » du camp, responsable de la gestion interne du camp) nous rompions nos rangs pour nous former en Kdo (NdT : détachement de détenus répartis dans des Kommandos de travail) et en moins d’une ½ heure 10 000 hommes partaient au travail, défilant au son de la musique, au pas, tête nue devant les SS qui nous comptaient à la porte. À 7 heures nous étions au travail dans une usine de 50 km² entourée et surveillée où étaient employés environ 40 000 ouvriers de toutes nationalités : français, italiens, tchèques, polonais, belges, hollandais, russes, P6 britanniques et détenus politiques dirigés par des Meisters (NdT : contremaître dans une usine, non-détenu, civil) allemands. Cette usine fournissait du caoutchouc, de l’essence synthétique ainsi que des pièces mécaniques. Les allemands l’avaient fait construire sur un terrain vague, aux prix de milliers de vies humaines. Les travaux les plus durs nous étaient naturellement destinés, notamment le placement de câbles électriques et de conduites d’eau qui devait s’effectuer par tous les temps dans la boue, la neige, sous les coups et avec un maximum de rapidité. Il y avait aussi le pavement des routes, le déchargement de wagons de ciment, de briques, de sable qui avec notre maigre nourriture ne tardait pas à nous user.

Right Page Il y avait la terrasse où il fallait travailler sans repos et où celui qui n’avait pas assez rendu était fouetté. Il y avait le transport de pièces, de bétons ou autres. Il était interdit de parler à des civils ou à des prisonniers de guerre. De midi à midi ½, une halte nous était accordée au cours de laquelle nous recevions un litre d’eau claire que nous avalions debout et en plein air. Puis le travail reprenait jusqu’à six heures et demie. Nous reposions les outils et reformant nos Kdos nous rentrions au camp de la même manière que le matin, défilant au pas, avec la musique, devant les SS. Arrivés au camp nous rejoignions chacun notre block pour l’appel, qui durait au grand minimum 1h ½. Après cette pénible obligation nous essayions de nous laver. Puis, le torse nu, la chemise à la main ainsi que la gamelle, nous passions devant le Blockältester qui vérifiait notre propreté et si nous n’avions pas de poux avant de nous donner notre litre de soupe du soir qui était vite avalé. 3/4 d’heure nous étaient accordés pour réparer nos vêtements et nos chaussures ou pour aller à l’infirmerie. Mais la fatigue nous emportait tellement que vite nous prenions place sur nos paillasses. À l’infirmerie c’était terrible si on y allait il était rare qu’on en sorte vivants car on manquait de matériel

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Left Page et de medicaments nécessaires et aussi parce que les SS y faisaient de nombreuses sélections. La nuit un Nachtwache (NdT : gardien de nuit) surveillait le block et allait faire vider les seaux où nous urinions, ce qui était une pénible corvée. Parfois les SS venaient nous réveiller à coups de cravache et nous faisaient sortir dehors dans la neige presque nus. Et ainsi jusqu’à ce que le gong de 4h30 annonce une nouvelle journée de torture. Nous n’avions aucun jour de repos car même l’après-midi du dimanche il fallait travailler pour le camp après être passé à l’unique tondeuse et à l’unique rasoir du block qui servaient pour 200 prisonniers, amenant ainsi de nombreuses irritations. « Sélection » « Sélection » était le nom que portaient les mises à mort par les SS. Cette opération que nos bourreaux effectuaient se passait généralement un dimanche ou un jour de fête à la suite d’une défaite subie. Après l’appel nous rejoignons nos blocks et Blocksperre (Ndt : couvre-feu, bouclage, défense de sortir de la baraque) était déclaré. Et baraque après baraque, le SS passait et désignait les futurs gazés. Nous devions nous mettre tout nu et notre carte avec notre

Right Page numéro à la main nous défilions devant lui, désignant notre place à prendre : à droite ou à gauche selon son choix. Ainsi ceux qui étaient à droite ou à gauche étaient déjà renseignés sur leur sort. Le lendemain en allant chercher leur pain ils étaient retenus dans la Tagesraum par le Blockältester et lorsque vers 10h00 tout le camp était parti au travail ils étaient rassemblés et avec une couverture sur le dos et une paire de claquettes aux pieds ils étaient emmenés en camions à la chambre à gaz de Birkenau, à 7 km de là. Ainsi les sélections décimaient encore ceux qui réussissaient à supporter les souffrances de la faim et des mauvais traitements et rallongeaient encore la liste des crimes allemands.

La chambre à gaz et le crématorium de Birkenau À 1 km d’Auschwitz, Birkenau l’endroit désert que les SS avaient créé pour commettre leurs massacres avait été transformé en 1941 en une formidable machine qui servait à faire disparaître avec le moins de traces possibles les millions d’humains qui y étaient envoyés. Lorsque les futurs gazés arrivaient sur le lieu ils étaient déshabillés, et recevaient chacun une serviette et un savon.

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Left Page Ensuite ils étaient menés dans une grande salle de douche. Cette salle était alors hermétiquement fermée et par la voie d’acheminement de l’eau venait du gaz qui asphyxiait en moins de trois minutes les malheureux qui tombaient immédiatement sur le plancher. Puis après avoir manœuvré un levier, le plancher faisait fonction de trappe et basculaient tous les cadavres dans le vide où jour et nuit brûlaient les fours du crématorium. Ainsi deux ou quatre heures après il ne restait que des cendres qui étaient enlevées et qui servaient comme engrais pour l’agriculture. Les SS assignaient pour ce genre de travail un kommando de prisonniers et ne donnaient que les ordres.

Les pendaisons Les pendaisons comme les sélections se passaient après l’appel un dimanche ou un jour de fête. L’évasion était punie ainsi. Le malheureux une fois rattrapé était d’abord battu puis torturé, sadiquement, il restait 3 jours dans un cachot sans manger. Puis le jour de son châtiment final venu, il était condamné devant les autres prisonniers par le Rapportführer (NdT : responsable de l’exactitude des effectifs). Sur la potence il devait lui-même faire

Right Page basculer la trappe. Ensuite tout le camp défilait devant les pendus (car il y en avait souvent plusieurs) au pas, nu-tête, au son de la musique.

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